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Les soupirs des souvenirs

16 Juillet 2018, 12:38pm

Publié par de soupirs en sourires

Elle est encore sidérée par cet évènement incroyable. Personne ne semble pouvoir la comprendre, comme si, pour les autres, elle s'exprime dans un langage incompréhensible et non audible. Elle a l'impression désagréable d'être passée de l'autre côté du miroir. Tout ceux et celles qui savent lui souhaitent toujours d'avoir du courage et s'en retournent prestement à leurs vies dénuées de ce fracas qu'elle doit assumer seule.  

Ce malheur lui apparait à présent comme irréel. Pourtant, elle sait que ce mot qu'elle n'arrive plus à prononcer lui confére ce statut de victime que les autorités lui refusent. Elle aurait voulu déclarer à la terre entière qu'elle a vécu ces moments atroces et qu'elle ne peut supporter que l'on lui dénie sa parole mais personne ne souhaite vraiment l'écouter. Parfois, on l'entend pour conclure qu'il faut qu'elle oublie, qu'elle se concentre sur le présent et le futur, que ce souvenir prégnant finira bien par se diluer dans sa mémoire encore traumatique. Elle se lève chaque matin avec la détermination de réussir à combler ce vide intérieur et vaque à ses occupations pour ne pas laisser ces flash back lui retirer toute volonté de vivre. C'est ces souvenirs-là qui l'empêchent de savourer cette vie qu'elle doit composer avec ce qu'il lui est arrivé.

Elle se force à penser à autre chose pour ne pas être anéantie par ce qu'il a osé lui imposer, en la pire offense qu'il soit, lui qui lui affirmait l'aimer et qui avait promis de veiller sur elle et de la protéger. Mais, il l'a prise contre sa volonté et a raconté plus tard que ce n'était qu'un simple jeu. Elle trouve cela sidérant d'affirmer que cette soumission non consentie était un un jeu. Un jeu c'est un instant partagé avec des règles, un jeu ce n'est pas d'imposer une domination par la contrainte et transformer son autre en une poupée inanimée, en un objet de désir, en un réceptacle de son foutre qu'il croit divin tant l'image qu'il a de lui-même lui apparait grandiose. Alors, personne depuis n'arrive à la comprendre.

Elle vit, elle survit même à cette profonde blessure sans savoir comment elle va pouvoir continuer, comment elle va devoir s'affranchir de cette culpabilité qui lui empoisonne l'esprit. Tout le monde lui affirme pourtant, qu'elle ne doit pas avoir honte et que le seul responsable c'est lui. Mais devant tant de mansuétude devant l'acte odieux qu'il lui a fait subir, elle se dit qu'elle a peut-être rêvé. Et puis non, malheureusement elle n'a pas rêvé. Tout cela est réellement arrivé. Elle qui pourtant était forte, s'en veut de ne pas avoir perçu le danger avec celui qui savait l'entourer de mille et une petites attentions. Il connaissait bien ses failles et il savait qu'en ce lieu, il pouvait organiser son ignoble forfait et la prendre contre sa volonté sans devoir s'en justifier.

Devant les faits avérés, il a nié puisqu'il ne pouvait faire autrement devant la gravité de ce que l'on pourrait lui reprocher. Lui, ce grand esprit, cet homme au dessus de tout soupçon, comment pouvait-elle l'accuser d'un jeu qui aurait mal tourné? Ce bourreau ne s'est jamais départi de ce masque de l'honorabilité a su pervertir celui qui était sensé la protéger et le confondre pour lui faire avouer son crime mais en manipulateur aguerri, le responsable de tous ses maux, a su retourner la situation et inverser les rôles. C'est elle qui fut accusée de mentir.  A la première humiliation s'est adjointe la seconde, celle de ne pas être crue, celle d'être encore le jouet de ces hommes qui ont opté pour le déni et qui lui ont démontré que le pouvoir était entre leurs mains. Après cela, elle est rentrée chez elle et a dormi. Elle a beaucoup dormi pour essayer d'oublier mais sa mémoire lui impose jour après jour les soupirs de ces souvenirs et elle va devoir attendre que ce poison de la honte distillé en elle sorte de son corps abîmé par cet acte qu'elle vit comme une souillure, comme une plaie, comme la trahison ultime.

Elle sait aujourd'hui qu'il lui faudra beaucoup de temps pour arriver à retrouver cette insouciance qui était son autre moi avant que l'indicible ne la fasse basculer dans cet enfer continuel. Elle attend patiemment qu'un homme de loi décide si elle a menti, décide ou pas si cet homme sans empathie soit mis face à ses responsabilités et peut-être puni. Quelle que soit la décision qui sera rendue, elle pensera chaque jour à celui qui lui a fait vivre ces brefs instants d'infamie qui l'ont changée à jamais. Elle se rappellera son regard perçant et frappant, ce regard qui la hantera encore longtemps. Elle attend dans la tristesse et le silence de son appartement où depuis elle s'est retranchée, loin des joies de ce monde qui pour elle, a perdu toute saveur. Pourtant, elle ne veut pas se résumer à ce seul statut parce que ce serait donner à l'auteur de ce jeu pervers, le pouvoir de gagner et de la réduire à ce qu'elle n'est plus, un pantin désarticulé qu'elle a été ce jour de mai. Chaque journée est gagnée sur ces souvenirs perturbants. Elle a décidé de faire semblant d'aller mieux sinon elle sera mise de côté parce que la nature ne supporte pas les faibles, ils sont toujours laissés de côté. Sa plaie est à l'intérieur dans son âme empoisonnée par cette lune de miel qui s'est terminée dans l'enfer d'un acte inconsidéré. Elle pense à cette horreur banalisée qui se produit toutes les 7 minutes en France et qui, malgré ces statistiques alarmantes, inquiétantes, injustes, permet aux hommes de continuer à commettre ces atteintes amorales et violentes sur l'intégrité physique des femmes, des petites filles et des hommes sans être inquiétés. Elle se dit que peut-être, elle aurait du mourir pour que son histoire soit prise au sérieux.

Elle est vivante ou plutôt survivante et doit se façonner un autre destin. Elle doit continuer et même si rien ne sera plus jamais comme avant, elle va poursuivre cette vie en essayant de comprendre pourquoi elle a vécu ce cauchemar éveillé. L'auteur de son malheur est libre de recommencer et personne ne pourra l'arrêter et c'est bien là l'objet de toutes ses inquiétudes : l'impunité d'un crime désavoué et organisé par les institutions dans le silence et la complicité. 

dses

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